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Pourquoi le branded journalism est une contradiction dans les termes

Pieter Vereertbrugghen

Pourquoi le branded journalism est une contradiction dans les termes

Les journalistes, les entreprises de médias et les marques sont tous à la recherche de nouveaux modèles de création de contenu. Le branded journalism (ou journalisme de marque) est un terme magique dans ce contexte. Tant les entreprises de médias établies que les marques semblent intéressées par cette forme de journalisme à la demande des marques. Mais s’agit-il vraiment de journalisme ?

Le point de départ du branded journalism est le suivant : les marques doivent mériter l’attention de leur public et elles peuvent le faire en offrant un contenu de niveau journalistique. Par « niveau journalistique », on entend généralement un ton neutre et un contenu avec une véritable substance. Mais le branded journalism n’est ni indépendant ni objectif, et ne pourra jamais l’être. C’est pourquoi le terme est trompeur et qu’il vaut mieux parler de branded content (ou contenu de marque). Le branded journalism est un exemple de langage ambigu et il crée la confusion.

Marque vs indépendance
La plupart des personnes qui consomment du contenu de marques comprennent que ce qu’elles obtiennent n’est pas le fruit d’une démarche indépendante. Il existe des entreprises qui laissent les journalistes écrire sur un sujet donné sans interférence, mais travaillent-ils vraiment en toute indépendance ? S’il n’y a pas de censure, il y a peut-être quand même une forme d’autocensure. Après tout, quelle entreprise veut payer des journalistes pour des contributions avec lesquelles elle se tire une balle dans le pied ? Aucune, c’est pourquoi le branded journalism est très éloigné du journalisme critique et indépendant. Les journalistes de marque qui n’y croient pas devraient essayer d’écrire des articles élogieux sur les concurrents de leur client.

Pas indépendant, mais sérieux
Le branded content ne doit pas nécessairement être objectif ou indépendant. Les créateurs de branded content ont simplement des ambitions différentes de celles de la presse indépendante. Si vous avez une vision et une mission fortes, vous voudrez qu’elles se reflètent également dans votre contenu. Think Quarterly de Google en est un bon exemple. Le magazine ne porte pas sur les produits de l’entreprise, mais sur la vision du monde de Google et sa croyance en la technologie ouverte. On ne lit pas Think Quarterly pour son ton critique ou indépendant, mais parce qu’on est intéressé par la vision de Google. Il ne s’agit pas de journalisme, mais de leadership éclairé.

Branded journalism vs native journalism
Cela ne devient délicat que lorsque les marques commencent à se cacher dans le journalisme. Nous avons alors affaire à ce que l’on appelle aujourd’hui le native journalism, mais il ne s’agit de rien de plus que de faire du neuf avec du vieux. Le native journalism est la version digitale de l’ancien publireportage : un message commercial qui tente de ressembler à un article rédactionnel. Tout lecteur vit cela comme une tromperie, ce qui nuit à l’image des marques. Les adeptes voient dans le native journalism l’annonce d’une fusion complète des médias d’information et des marques. C’est une tendance dangereuse, car les médias indépendants doivent jouer un rôle important de chien de garde. Cette fonction est également importante pour les entreprises et les marketeers.

Gardons le journalisme et le marketing séparés. Le bon branded content n’a pas du tout besoin de l’étiquette de branded journalism. Le branded content se veut engageant, tandis que le journalisme est généralement plus détaché en raison de sa recherche d’objectivité.

Techniques journalistiques
Cela ne veut pas dire que le branded content ne peut être créé à l’aide de techniques journalistiques. Au contraire, une approche journalistique stimule la volonté de lire et accroît la crédibilité, même si le journalisme en a pris un sérieux coup ces dernières années.
C’est pourquoi, dans le branded content, il doit y avoir une place pour de vraies personnes ayant de vraies opinions et de vraies histoires, et pour des échanges de points de vue ; les faits doivent être vérifiés ; la promotion, les faits et les commentaires doivent être clairement séparés ; les documents politiques non fondés ou autres informations partiales doivent être exclus... Et le lecteur doit toujours être au centre des préoccupations.
Dans les limites du branded content, ces règles journalistiques peuvent renforcer la crédibilité et donc améliorer le transfert d’informations et renforcer l’impression d’être connecté.