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Des pixels aux pages : pourquoi les initiatives digitales se risquent à l’impression

Alex Duin

Des pixels aux pages : pourquoi les initiatives digitales se risquent à l’impression


Pitchfork, Grantland et ACQTASTE... Les éditeurs digitaux sont de plus en plus nombreux à sortir de leur zone de confort et à prendre d’assaut le marché de l’impression, avec des magazines qui poursuivent leur travail online comme offline. Qu’est-ce qui se cache derrière tout cela ? 

Print is dead, disait Egon Spengler dans Ghostbusters, le classique du cinéma de 1984. Il y a trente ans, cette citation a fait de lui un pionnier. Aujourd’hui, il ne serait plus une exception. Depuis quelque temps, on admet généralement qu’internet transcende toutes les autres plateformes médiatiques et que ce n’est qu’une question de temps avant que la presse écrite ne disparaisse totalement, au profit d’écrans, d’affichages à l’encre électronique ou d’une autre technologie qui n’a pas encore été inventée.

Un mouvement émerge cependant pour sauver la noble imprimerie de l’extinction : 

  • parce que les gens aiment voir les mots imprimés à l’encre indélébile sur du papier glacé.
  • parce qu’un bel objet qui dure éternellement, ou tout au moins plus longtemps qu’un écran de smartphone, a aussi ses avantages.
  • parce que l’on croit que le virtuel, bien qu’utile, ne suffit pas toujours – et que dans ce monde, le réel a encore une certaine valeur.

Notation musicale

Pitchfork, le site web du journalisme musical connu pour ses critiques élaborées et détaillées d’albums, est un précurseur de ce mouvement. Pitchfork existe en ligne depuis 1995, ce qui en fait presque une antiquité en termes d’internet. Bien qu’il soit profondément ancré dans l’immatériel, il a décidé de publier un magazine trimestriel.

The Pitchfork Review, dont le premier numéro est paru en décembre 2013, était une publication à tirage limité axée sur le journalisme de fond, la photographie et une mise en page intelligente. The Review, croisement entre un beau livre et une publication que l’on achète chez le marchand de journaux, tire pleinement avantage de son aspect tangible. Autrement dit, il est tant un gadget qu’une source d’information. Cet objectif se reflète également dans son prix élevé – près de 20 dollars pour un numéro.

Le prestige à l’état pur

Les gens de Pitchfork ne sont pas les seuls à dépoussiérer leurs presses. Le blog sportif et culturel Grantland a lancé un magazine qualitatif similaire en 2011. La même année, Style.com, populaire auprès des fashionistas, a édité son propre magazine – plutôt ironique car le site a été lancé il y a dix ans comme une spin-off en ligne de Vogue et W, vieux de la vieille dans la presse écrite. Dans les rayons des magazines, Style.com a été rejoint par des titres glossy comme Printed Pages (des créateurs du blog de design It’s Nice That) et la version tangible d’ACQTAST, un blog canadien pour les foodies.

Qu’est-ce qui pousse ces stars du digital à s’aventurer dans le monde démodé du papier et de l’encre ? Une combinaison de publicité et de prestige. Avec un magazine physique, sur la table basse de quelqu’un ou dans les rayons d’un marchand de journaux, une marque se montre dans des endroits où cela n’arriverait pas autrement. Pratique en sachant qu’internet peut être quelque chose d’assez solitaire entre le lecteur et son écran ! Et malgré la domination croissante du digital, le papier a indéniablement un cachet et un statut qui font encore défaut au virtuel.

Une audience plus large

C’est une autre raison d’embrasser le réel qui a convaincu le réseau social culinaire Allrecipes et l’ouvrage de référence médical WebMD. Les deux sites s’adressent au grand public : à ceux qui aiment la bonne chère et à ceux qui s’inquiètent de leur santé – bref, à peu près tout le monde.
Bien qu’internet s’insinue de plus en plus dans nos vies, un nombre significatif de personnes ne veut toujours pas en entendre parler. Pour certaines marques, le support imprimé est donc la dernière pièce manquante du puzzle, avec laquelle elles peuvent également exploiter le marché des non-internautes et donc conquérir davantage le monde.

 

Alors, même si vous jonglez vous-même avec votre iPad, votre smartphone Android, votre Kindle et votre PC, ne supprimez pas trop vite vos abonnements aux bons vieux magazines.  Il y a toujours de la valeur dans le réel.

Alex Duin est un rédacteur freelance qui vit à Londres. Il travaille pour des clients comme la BBC, l’Union européenne, etc. La technologie est son domaine. Dès que quelque chose vibre ou fait du bruit, il peut rédiger un article sensé à ce sujet. Frederik Hautain, stratège du contenu chez Cypres, a collaboré à cet article